Toute personne qui y a intérêt est recevable à former tierce opposition contre un jugement à condition qu’elle n’ait été ni partie ni représentée au jugement qu’elle attaque ; les créanciers et autres ayants cause d’une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s’ils invoquent des moyens qui leur sont propres (CPC art. 583).
Tierce opposition par un associé
Société autre que société civile
En principe, un associé ne peut pas former tierce opposition à un jugement tranchant un litige auquel la société a été partie, dès lors qu’il est réputé avoir été représenté au procès par le représentant légal de celle-ci (jurisprudence constante Cass. com. 23-5-2006 no 04-20.149 F-PB : RJDA 10/06 no 1032).
Associé de société indéfiniment responsable (SC, SCI, SNC, SCA)
La jurisprudence a toutefois évolué concernant les associés de sociétés civiles du fait de leur situation particulière de débiteurs subsidiaires des dettes sociales.
Tierce opposition d’un associé à la condamnation d’une société civile : il faut un motif propre. Pour être recevable à former tierce opposition au jugement condamnant une société civile en paiement, l’associé de cette société doit invoquer un moyen qu’il est seul à pouvoir faire valoir. Soulever un argument que la société n’a pas elle-même soutenu ne suffit pas.
Pour former opposition à la décision condamnant une société civile à payer une dette, l’associé pour être recevable doit remplir deux conditions (Cass. 2e civ. 12-9-2024 no 22-12.337 F-B, Sté Pierre sélection c/ Sté immobilière Newton) :
- d’une part, être lui-même poursuivi en paiement de la dette sociale
- et,
- SOIT soulever un moyen qui lui est propre, c’est à dire pas un moyen que la société aurait pu soulever (mais qu’elle n’a pas fait)
- SOIT démontrer que la décision a été rendue en fraude de ses droits
La solution, qui s’applique à toute société civile (hors procédure collective), est à notre avis transposable aux associés de sociétés en nom collectif et aux associés commandités de sociétés en commandite qui sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales.
Se fondant sur le droit effectif au juge garanti par l’article 6, 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a ainsi admis que l’associé d’une société civile, lorsqu’il est poursuivi en paiement des dettes sociales, est recevable à former tierce opposition à l’encontre de la décision condamnant la société au paiement, dès lors qu’il invoque des moyens que la société n’a pas soutenus (Cass. 3e civ. 6-10-2010 no 08-20.959 FS-PB : RJDA 8-9/11 no 714 DECISION PLUS EN VIGUEUR). Dans une autre affaire, cette chambre a adopté une position plus restrictive en déclarant irrecevable la tierce opposition d’un associé qui soulevait un moyen que la société n’avait pas invoqué, mais qui n’était pas personnel à l’intéressé (Cass. 3e civ. 23-9-2020 no 19-16.643 FS-D : RJDA 2/21 no 104). La deuxième chambre civile adopte ici la même solution par un arrêt de principe destiné à être publié au Bulletin.
L’abandon de la solution antérieure permettant de soulever un moyen pour la société semble donc confirmée.
Qu’est-ce qu’un moyen propre à l’associé ?
Est un moyen propre celui que l’intéressé tire de sa situation personnelle, c’est-à-dire que l’associé est seul à pouvoir faire valoir. (Cass. 2e civ. 12-9-2024 no 22-12.337 F-B, Sté Pierre sélection c/ Sté immobilière Newton)
N’invoque pas un moyen qui lui est propre l’associé d’une société civile qui fait valoir que la société n’était pas engagée par le contrat la liant au créancier, conclu pendant sa période de formation et non repris par la suite selon les modalités requises (Cass. 3e civ. 23-9-2020 no 19-16.643 précité). Dans la présente affaire, les associés qui formaient tierce opposition contestaient que la société ait commis un dol lors de la conclusion du contrat ; ce moyen, qui aurait pu être soutenu par la société (mais qu’elle n’avait pas été recevable à faire valoir au cours de la procédure), ne devrait pas non plus être considéré comme un moyen propre par la cour d’appel de renvoi.
Signalons qu’un moyen propre n’est pas nécessairement exclusif à l’associé formant tierce opposition ; il peut être commun à l’ensemble des associés (Cass. com. 31-3-2021 no 19-14.839 F-P : RJDA 6/21 no 389).
Questions
Qui peut faire une tierce opposition ?
Quelles sont les principales causes d’ouverture à tierce opposition ?
Comment former une tierce opposition ?
Quelle est la différence entre l’appel et l’opposition ?
Quels sont les effets d’une opposition ?
Quelles sont les trois voies de recours ?