Comment peut-on prescrire une partie commune ? Est-il possible de devenir propriétaire d’une partie commune à usage privatif grâce à la prescription acquisitive ? Comment s’opère la prescription acquisitive d’une partie commune sur laquelle le copropriétaire dispose d’un droit de jouissance privative ?
Les vendeurs peuvent se prévaloir de la prescription acquisitive de différentes pièces édifiées sur une partie commune sur laquelle ils disposaient d’un droit de jouissance exclusive. La superficie de ces pièces peut être intégrée au mesurage prévu aux articles 46 de la loi du 10 juillet 1965 et 4-1 du décret du 17 mars 1967.
CA Paris, pôle 4, ch. 1, 20 nov. 2020, n° 18/205897 :
Dès lors que les conditions prévues à l’article 2261 du Code civil sont réunies, à savoir une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et réalisée à titre de propriétaire depuis plus de 30 ans, l’appropriation d’une partie commune est acquise (Cass. 3e civ., 26 mai 1993, n° 91-11.185 : JurisData n° 1993-002338 ; RD imm. 1993, p. 411, obs. P. Capoulade. – Cass. 3e civ., 25 janv. 2005, n° 03-18.926 : AJDI 2005, p. 314).
Outre les conditions générales susvisées de la prescription acquisitive telles que prévues à l’article 2261 du Code civil, l’article 2272, alinéa 2, du Code civil prévoit l’hypothèse d’une prescription acquisitive abrégée impliquant la démonstration d’un juste titre et de la bonne foi du copropriétaire possesseur (V. J.-M. Roux, La prescription de parties communes en copropriété : Constr. – Urb. 2004, chron. 4, n° 4).
S’agissant de l’exigence d’un juste titre, celui-ci doit avoir été consenti par celui qui n’est pas le véritable propriétaire (V Cass. 3e civ., 30 oct. 1972 : Bull. civ. III, n° 575. – Cass. 3e civ., 13 déc. 2000 : Bull. civ. III, n° 192. – Cass. 3e civ., 19 déc. 2001 : Bull. civ. III, n° 159). Il convient également que celui qui acquiert d’une personne, qui n’est pas propriétaire, ait cru de bonne foi tenir la chose du véritable propriétaire (V. Cass. 3e civ., 18 janv. 1972 : Bull. civ. III, n° 39). Il est admis que les actes de vente constitués de lots de copropriété, nécessairement composés de parties privatives et de quotes-parts de parties communes, peuvent constituer un juste titre permettant le bénéfice de la prescription abrégée sur une partie commune . À cet égard, il a été rappel é qu’outre l’acquisition des parties privatives, les copropriétaires acquièrent les droits indivis sur les parties communes de l’immeuble ; par conséquent, l’acquisition d’un droit de propriété indivis permet le bénéfice de la prescription abrégée (Cass. 3e civ., 30 avr. 2003, n° 01-15.078 : JurisData n° 2003-018809 ; Procédures 2003, comm. 175).
En l’espèce, les éléments versés aux débats avaient par ailleurs permis aux juges du fond de constater une annexion trentenaire de la cour commune , de façon ininterrompue, paisible et non équivoque. Dans ces conditions , la cour d’appel a considéré que c’est à bon droit que les vendeurs avaient intégré ces superficies au mesurage de leurs parties privatives.
La question s’avère toutefois délicate s’agissant de la possibilité de revendiquer la propriété d’une partie commune à jouissance privative . Ainsi, il a pu être considéré que les copropriétaires ne pouvaient pas prescrire la propriété d’une telle partie commune en ce qu’ils ne pouvaient prescrire contre le règlement de copropriété, leur possession étant dans ce cas équivoque (CA Paris, pôle 4, ch.2, 26 oct. 2016, n° 14/22446 : JurisData n° 2016-022579, « le droit de jouissance privatif ne fait pas perdre à son support le caractère de parties communes et ne permet pas de prescrire la propriété »).
Plus récemment cependant, la Cour de cassation a eu l’occasion d’infirmer la position des juges du second degré qui, parce qu’un copropriétaire disposait d’un droit de jouissance privative sur une partie commune , avaient jugé qu’il n’y avait pas d’appropriation possible de celle-ci (Cass. 3e civ., 22 oct. 2020, n° 19-12.588 : JurisData n° 2020-016983).
La solution réside en réalité dans la recherche de l’accomplissement d’actes, par le copropriétaire souhaitant revendiquer la propriété d’une telle partie commune , qui excèdent les droits conférés par la jouissance privative dont il bénéficie sur celle-ci. En pratique, ce dépassement pourra être caractérisé dès lors que le copropriétaire a procédé à la réalisation de travaux de construction, travaux caractérisant une véritable volonté d’appropriation (Cass. 3e civ., 16 mars 2005, n° 03-14.771).
Ce raisonnement ne doit cependant pas être généralisé. En effet, la solution dépendra de l’analyse des termes du règlement de copropriété. À cet égard, la prescription acquisitive d’une véranda édifiée sur une partie commune à jouissance privative a été déniée dès lors que le règlement de copropriété autorisait le propriétaire du lot litigieux à fermer ladite véranda, la possession étant dans ce cas équivoque (Cass. 3e civ., 10 déc. 2015, n° 14-13.832 : JurisData n° 2015-029151 ; Loyers et copr. 2016, comm. 50, obs. G. Vigneron). Cette solution est d’autant plus justifiée à la lumière de l’article 2262 du Code civil qui précise « les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession, ni prescription ».