Écrire un bon titre, ce n’est pas réciter un sommaire. C’est capter l’attention du lecteur, lui donner envie de comprendre ce qui suit, l’orienter immédiatement sur le propos. Et quoi de plus clair, de plus explicite, de plus lisible qu’un verbe conjugué ?
Dire “La Cour de cassation rejette l’argument” est infiniment plus parlant que “Rejet de l’argument par la Cour de cassation”. Le premier est direct, vivant, fluide. Le second est plat, administratif, figé dans un formalisme poussiéreux. Il transforme une décision judiciaire en notice de lave-linge.
Pour une dissertation en droit pénal, quel titre comprenez-vous le mieux : Le fait poursuivi ne peut pas être imputé à la personne poursuivie ou L’impossibilité de punir tenant à la personne poursuivie ?
Pour un esprit sain, c’est à dire pas torturé, pas constamment à la recherche d’une contradiction qui n’a comme but que de flatter son ego et non de convaincre, le titre conjugué est plus parlant, percutant.
Un titre sans verbe conjugué, c’est comme une plaidoirie sans souffle : on comprend, peut-être, mais on ne ressent rien.
Les raisons (fumeuses) avancées par certains chargés de TD
Ah, les fameux chargés de travaux dirigés. Certains sont brillants, bienveillants, ouverts. Et puis, il y a les autres. Ceux qui distribuent des remarques acerbes sur les copies comme d’autres distribuent des amendes : avec un plaisir un peu trop manifeste.
Leur principale critique ? “Ce n’est pas académique.”
Traduction : “Ce n’est pas conforme à une idée vague de ce que j’ai appris moi-même, sans jamais le remettre en question.”
Ils invoquent un style neutre, objectif, rigoureux. Mais en vérité, ils sacrifient la clarté sur l’autel d’un formalisme éculé. Ils préfèrent une langue morte à une langue comprise. Ils préfèrent le dogme au sens.
Être lu ou réciter le manuel : il faut choisir
Un avocat, tous les jours, doit convaincre. Il écrit pour des juges pressés, pour des clients perdus, pour des adversaires retors. Il va droit au but. Il donne à lire, pas à deviner.
Un chargé de TD (du moins ceux que je vise ici), eux, écrivent pour se rassurer. Pour montrer qu’ils maîtrisent le code, pas pour l’expliquer. Ils notent comme on corrige un rite : attention à ne pas bousculer la tradition, même si elle rend tout moins clair.
Avocat ou professeur : à qui veux-tu ressembler ?
Étudiant, demande-toi : veux-tu devenir avocat ou chargé de TD ?
Veux-tu qu’on comprenne ce que tu écris, ou veux-tu qu’un correcteur s’extasie sur ta conformité ?
Veux-tu vivre du droit, ou ensevelir le droit dans des tournures absconses ?
Un jour, il faudra choisir : écrire pour être entendu, ou pour être noté. Moi, j’ai choisi.
Et je continuerai à mettre des verbes conjugués dans mes titres. Parce que j’écris pour convaincre. Pas pour faire plaisir à un sadique en correction.
Donc la prochaine fois que votre chargé de TD vous reproche avec son oeil de tortionnaire d’avoir mis un verbe conjugué, rappelez-vous que vous n’avez plus que quelques semestres à tenir avant d’affronter le vrai boss du game : le Juge. Et croyer-moi, celui-ci ne vous jugera que sur une chose : votre capacité à être clair.